Arachne
Voici l’entrée, dit doucement Gollum. C’est l’entrée du tunnel. Il ne prononça pas le nom : Tarech Ungol, l’Antre d’Arachne.
Le Seigneur des Anneaux, livre IV, chap 9
Dans les Montagnes de l’Ombre (Ephel Dúath, en elfique), à Cirith Ungol (le Passe de l’Araignée), l’un des très rares passages pour pénétrer au Mordor, Arachne avait établis son antre. Elle demeurait là depuis des éternités, sous la forme d’une araignée, elle, Arachne la Grande, dernier enfant d’Ungoliant.
Elle avait l’allure générale d’une araignée, mais plus énormes que les grandes bêtes de proie et plus terrible qu’elles à cause du méchant dessein qui paraissait dans ses yeux impitoyables (…) en grappes dans sa tête poussée en avant. Elle avait de grandes cornes et derrière son court dos, semblable à une tige, venait son énorme corps gonflé, vaste sac boursouflé, pendant et oscillant entre ses pattes ; sa grosse masse était noire, tavelée de marques livides, mais la panse en dessous était pâle et lumineuse, et elle émettait une puanteur. Elle avait les pattes repliées, avec de grosses jointures protubérantes bien au-dessus de son dos ; ses poils se dressaient comme des piquants d’acier et chaque patte se terminait par une griffe.
Le Seigneur des Anneaux, livre IV, chap 9
Elle vivait jadis au Beleriand, et aucune histoire ne raconte comment elle vint là, fuyant la ruine, mais on sait en revanche qu’elle était déjà là avant.
Sauron, et avant la première pierre de Barad-dûr. Elle ne servait personne d’autre qu’elle-même, bien qu’en réalité, Sauron ait bien su qu’elle se trouvait là, et qu’il lui plaisait qu’elle y soit, surveillant mieux que tout ce qu’il aurait pu imaginer l’un des passages vers son pays. Ce fut elle qui engendra les nombreuses araignées géantes qui hantèrent la Forêt Noire lorsque Sauron s’y installa, et longtemps encore après sa fuite de Dol Guldur.
Lors de leur périple vers la Montagne du Destin, Frodo Sacquet et Samsagace Gamegie furent menés, en l’an 3019 du
Troisième Âge, dans cette passe par Gollum, qui avait promis à Arachne de lui amener de la nourriture lorsqu’il fut capturé par elle en l’an 3000 du Troisième Âge. Ce dernier espérait ainsi pouvoir enfin récupérer l’Anneau Unique.
Mais il est d’autres forces en Terre du Milieu, des pouvoirs de la nuit, et ils sont anciens et puissants. Et Elle qui marchait dans les ténèbres avait entendu les Elfes lancer ce cri dans les temps lointains ; elle n’en avait pas tenu compte alors, et il ne la démonta pas à présent. Tandis même qu’il parlait, Frodo se sentit en butte à une grande malice ; il avait l’impression qu’un regard mortel était fixé sur lui. Il prit conscience d’yeux qui devenaient visibles, deux grands faisceaux d’yeux à multiples facettes, pas très loin dans le tunnel, entre eux et l’ouverture où ils avaient chancelé et trébuché –la menace imminente était enfin démasquée. Le rayonnement du cristal d’étoile fut brisé et renvoyé par les milliers de facettes ; mais, derrière le scintillement, un pâle et mortel feu commença de luire de plus en plus fort, une flamme allumée dans quelques profonds puits d’une pensée néfaste. C’étaient des yeux monstrueux et abominables, bestiaux et pourtant emplis de résolution et d’une hideuse délectation, couvant leur poire piégée sans aucun espoir d’évasion.
Le Seigneur des Anneaux, livre IV, chap 9
Les deux Hobbits parvinrent finalement à repousser son assaut grâce à la fiole que Galadriel avait offert à Frodo, et s’enfuirent très rapidement hors de la tanière d’Arachne.
Mais c’était sans compter sa grande malice, et le fait qu’il y avait de nombreuses entrées à son antre. Alors qu’ils couraient à toute vitesse vers le Mordor, criant de joie d’être enfin sorti des ténèbres, elle déboucha de l’une de ces entrées, et attaqua Frodo, tandis que Gollum attaquait Sam.
Une fois débarrassé de Gollum, Sam se rua vers Arachne afin de sauver son maître, et, saisissant Dard, la lame elfique que Bilbo avait offert à son neveu, il la blessa aux yeux, puis au ventre.
Alors, écartant ses pattes elle amena de nouveau sur lui son énorme masse. Trop tôt. Car Sam était toujours debout ; laissant tomber sa propre épée, il tint des deux mains la lame elfique pointe en l’air, parant la descente de cet horrible plafond ; et ainsi Arachne se jeta sur la pointe implacable avec toute la force motrice de sa propre volonté cruelle, avec une vigueur plus grande que celle d’aucune main de guerrier. La pointe pénétra de plus en plus profondément à mesure que Sam était lentement écrasé contre le sol.
Comme si son courage indomptable avait mis en mouvement le pouvoir du cristal, celui-ci flamboya soudain telle une torche blanche dans sa main. Elle étincela comme une étoile qui, bondissant au firmament, marque l’air sombre d’une lumière intolérable. Jamais semblable terreur venue du ciel n’avait brûlé la face d’Arachne. Les rayons en pénétraient dans sa tête blessée et la couturait d’une douleur insupportable, et la terrible infection de la lumière s’étendait d’un œil à l’autre. Elle retomba en arrière, battant l’air de ses pattes antérieures, la vue anéantie par des éclairs internes, l’esprit à l’agonie. Puis, détournant sa tête mutilée, elle roula de côté et se mit à ramper, griffe par griffe, vers l’ouverture de l’escarpement noir de derrière.
Sam s’avança vers elle. Il titubait comme un homme ivre, mais il s’avança. Et Arachne enfin domptée, recroquevillée dans sa défaite, tremblante, s’efforça par des mouvements saccadés de lui échapper. Elle atteignit le trou et s’y faufila, laissant derrière elle une traînée de vase jaune verdâtre, au moment même où Saù assenait un dernier coup à ses pattes traînantes. Puis il s’écroula.
Le Seigneur des Anneaux, livre IV, chap 9
Après cette cuisante défaite, nul ne sait si elle resta un long temps dans son antre, soignant sa malignité et sa misère, ou si, au bout de quelques années, elle parvint à se guérir de l’intérieur, et tissât de nouveau ses terribles filets dans les ravins des Montagnes de l’Ombre.
Auteur de la biographie : Lówen